Les voix de la MPR : Luisa Miniaci-Di Leo
Au mois d’octobre, deux des kystes sur mon rein gauche ont éclaté. Si je n’avais pas rencontré d’autres patient·e·s atteint·e·s de la MPR et accepté de raconter mon histoire à la suite de leurs encouragements, je n’aurais jamais écrit ces mots. Ce sont ces gens qui m’ont suggéré de raconter mon parcours, car ils sont aussi passés par là. Ils voulaient que je contribue à sensibiliser les personnes qui ne comprennent pas les difficultés auxquelles nous devons faire face en raison de la MPR.
Chaque fois qu’on finit dans un lit d’hôpital à cause de cette maladie, on doit se battre de toutes nos forces pour qu’elle ne réussisse pas à prendre le contrôle de notre vie. Plusieurs personnes touchées par la MPR m’ont demandé de sensibiliser les gens aux traumatismes que peut subir votre corps lorsque deux kystes de votre rein gauche, chacun pratiquement de la taille d’une orange, éclatent sans prévenir. En toute franchise, je ne souhaiterais cette douleur à personne, pas même à mon pire ennemi! Le 23 octobre, j’étais en train de me pencher vers l’avant pour récupérer mes vêtements qui étaient dans la sécheuse, quand d’un coup, j’ai eu l’impression que quelqu’un avait planté un couteau dans mon rein gauche.
Mon rein droit fait environ 30 cm sur 21 cm, mais le gauche est plus petit, alors je n’arrivais pas à comprendre pourquoi ce sont ces kystes-là qui ont éclaté. Ce n’est pas la première fois que certains de mes kystes éclatent sans crier gare. Cela dit, même si j’avais eu très mal les autres fois, là, c’était dix fois pire. J’avais vraiment l’impression qu’on m’avait planté un couteau dans le rein et qu’on le remuait dans la plaie. Je me suis effondrée au sol en hurlant et en pleurant. Mon mari et mon fils Chris ont dû m’aider à me relever. À ce moment-là, je pensais et leur disais que ça devait être un calcul rénal, car je n’avais jamais ressenti de douleur aussi aiguë. Pendant que mon mari appelait les urgences, je continuais à pleurer et à hurler de douleur. La personne à l’autre bout du fil a demandé si j’étais consciente, si j’étais capable de parler et si j’avais des douleurs à la poitrine. Comme je ne répondais pas aux critères des victimes de crise cardiaque ou d’AVC, on nous a dit qu’il faudrait attendre sept heures avant que l’ambulance arrive. Mon mari et mon fils ont répondu à leur interlocuteur qu’ils allaient m’emmener au site Glen de l’hôpital Royal Victoria du Centre universitaire de santé McGill. Chris m’a soulevée comme si j’étais une poupée et m’a mise dans l’auto, où je me suis allongée en travers des sièges.
Quand je suis arrivée à l’hôpital, l’infirmière chargée du triage a remarqué que ma pression artérielle était élevée, et que des larmes roulaient sur mes joues en raison de la douleur. Nous lui avons expliqué que j’avais la MPR, que c’était probablement un des kystes de mes reins qui avait éclaté, et qu’il pourrait aussi s’agir d’un calcul rénal, car c’était plus douloureux que les fois d’avant. L’infirmière ne savait pas ce qu’était la MPR, mais quand mon mari lui a donné des explications, elle a immédiatement fait venir un des médecins. À ce moment-là, je commençais à avoir de plus en plus de fièvre. Les résultats de mes analyses sanguines ont montré que mon taux de créatinine s’élevait à 250 (ce qui n’était pas bon signe). Je ne parvenais pas à me tenir droite dans le fauteuil roulant, j’étais affalée sur la droite, car le côté gauche me faisait affreusement mal. Bien vite, l’infirmière a obtenu l’autorisation de m’administrer des opiacés. Les substances qui, un jour, m’avaient endormie me rendaient à présent hyperactive. Ils ont commencé par me donner du Supeudol, mais mon corps ne l’a pas gardé bien longtemps. Bien qu’on m’ait administré du Gravel pour contrôler mes nausées, je régurgitais tout ce qu’on me donnait en moins de dix minutes. Ils ont ensuite essayé le Dilaudid. Je devais en prendre 1 g toutes les quatre heures en journée, puis 0,5 g toutes les deux heures la nuit.
Mes organes dilatés par la MPR luttent déjà pour trouver de l’espace, mais alors là, l’éclatement de deux des kystes compliquait encore plus la chose. Ces deux kystes de la taille d’une orange ont provoqué une hémorragie et formé des caillots de sang. Je ne recommande vraiment pas l’expérience!
Les médecins et les infirmier·ère·s de l’hôpital n’ont pas fait les choses à moitié. J’ai passé deux TDM, trois radios, deux échographies, une radiographie du thorax et une échographie abdominale. Les médecins étaient formels : il ne s’agissait pas de calculs rénaux. Quelques jours plus tard, mon mari a remarqué que j’étais hyperactive et très anxieuse. Nombre de Montréalais et Montréalaises savent à quel point le Dr Alam constitue un précieux soutien pour la section régionale de Montréal de la Fondation canadienne de la MPR, et à quel point ce spécialiste de la maladie est aussi dévoué que bienveillant. À présent, il a vu une nouvelle facette de ma personnalité, nerveuse et agitée, un état qui contribuait à maintenir ma tension artérielle à un niveau élevé, ce qui est dangereux pour les personnes atteintes de MPR.
Je n’arrêtais pas de crier aux infirmier·ère·s et au Dr Alam que je voulais qu’ils m’enlèvent les deux reins. Étant touchée d’une insuffisance rénale de stade 4, je leur ai dit que je savais bien ce qui s’en venait avec ma MPR et que la douleur que j’éprouvais me criait de faire enlever mes reins. Lorsqu’il est venu me voir dans ma chambre, il m’a présenté ses excuses pour ne pas avoir pu venir plus tôt. Il m’a expliqué qu’il participait à un congrès virtuel avec des néphrologues québécois, qui portait précisément sur la gestion de la douleur lorsque les kystes éclatent. À ce moment-là, mon mari Peter lui a dit qu’il aurait dû faire venir tout le monde dans ma chambre, pour que les gens puissent véritablement se rendre compte du niveau de douleur que les patient·e·s doivent endurer.
Je n’étais plus moi-même, je ne dormais plus, et quand les effets des antidouleurs s’estompaient au bout de quatre heures, QUELLE DOULEUR INSUPPORTABLE! Je n’arrêtais pas de demander : « Qu’est-ce qu’il faut que je fasse pour que vous me les retiriez? » Les opiacés calmaient la douleur, mais favorisaient la constipation. Comme si l’extrême dilatation de mes organes n’était pas suffisante, la constipation appuyait encore plus sur ma cavité abdominale.
J’éprouve le plus profond respect pour les infirmiers et infirmières de l’unité C-9 de médecine interne (c’est l’étage où j’avais déjà été placée quand on m’avait admise à l’hôpital parce que j’avais la COVID, en Décembre 2020). Les infirmiers et infirmières restaient sur place plus de douze heures par jours! Tout le monde était attentionné et professionnel, du début de leur garde jusqu’à la toute dernière minute. Dans ces moments où la douleur était si aiguë, je ne sais pas ce que j’aurais fait sans eux/elles. Ce sont leurs voix réconfortantes et apaisantes qui m’ont permis de ne pas devenir folle.
11 jours plus tard, je ne parvenais toujours pas à dormir sur le côté. Quand les médecins m’ont annoncé qu’il faudrait probablement quatre à six semaines avant que les choses ne redeviennent à peu près normales, je n’arrivais pas à croire que l’éclatement de mes kystes puisse être à l’origine d’une si grande douleur. Les gens pensent souvent que si une personne atteinte de MPR a l’air en pleine santé et semble tout à fait normale vue de l’extérieur, c’est qu’elle n’est pas si malade que ça. Or, il est important de se rappeler que nous ne savons pas nécessairement ce que vivent les autres et comment ils se sentent à l’intérieur.
Alors que je me remets encore de ce moment difficile, je voudrais exprimer ma reconnaissance éternelle à mon chevalier servant, mon mari! Sans lui à mes côtés pour surmonter cette épreuve, les choses auraient été infiniment plus difficiles.