Joanna Macleod et Kristofer Woods | Voix de la MPR
Kris et Joanna ont d’abord partagé leur histoire de don de rein vivant et de transplantation lors de notre webinaire d’avril 2025, qui portait sur le don d’organes et la défense des droits en matière de transplantation au Canada. Joanna est une patiente atteinte de la MPR, et Kris est son donneur de rein vivant. Kris est aussi le directeur provincial des Maritimes pour l’Association canadienne des transplantés (ACT), et milite pour un meilleur accès au don et à la greffe d’organes sur la côte Est.
Au moment d’écrire ces lignes (début mai 2025), nous avons aussi l’histoire de Kris en version écrite (ci-dessous). Pour entendre l’histoire de Joanna, vous pouvez visiter ce lien, qui mène directement au moment où elle commence à parler de son parcours avec la MPR.
Le récit de Kris
J’ai rencontré Joanna pour la première fois à l’été 2007. J’étais étudiant d’été dans une organisation qui offrait des programmes de jour pour les adultes ayant une déficience intellectuelle. Joanna venait une fois par semaine pour offrir un soutien supplémentaire. Elle m’a parlé de L’Arche, et après la fin de mon emploi d’été, j’ai commencé à y travailler.
Pendant les six années où j’ai fait partie de L’Arche à London, Joanna et moi avons vécu et travaillé ensemble (beaucoup de travailleurs de L’Arche vivent dans des maisons partagées avec des personnes ayant une déficience intellectuelle). Même si Joanna était ma superviseure, nous sommes devenus de proches amis. Elle ne m’a jamais dit à quel point elle était malade. J’ai fini par comprendre qu’elle ne ressentait pas le besoin de le faire – sa MPR n’était pas un problème pour elle… jusqu’à ce que ça le devienne.
En 2013, j’ai déménagé en Nouvelle-Écosse, mais nous sommes restés en contact souvent. Je me souviens de son appel en 2017 pour m’annoncer qu’elle était malade – ses reins lâchaient et elle aurait besoin d’une greffe. Pour moi, la réponse était évidente : je vais lui donner un des miens. Je le lui ai dit pendant cet appel. Je ne savais même pas si nous étions compatibles, et je n’avais pas réfléchi une seconde à la façon dont nous allions gérer la distance entre nous. J’avais une compréhension de base du don d’organes grâce au don de sang que je fais depuis mon adolescence et aux brochures de la Société canadienne du sang, mais je n’avais jamais imaginé devenir un donneur vivant.
Dire à sa famille qu’on choisit de se faire enlever un organe est une expérience unique – mais la mienne m’a énormément soutenu. Ma mère avait travaillé avec Joanna, et tout le monde dans ma famille la connaissait. Il n’y a eu aucune hésitation – juste une compréhension tranquille que c’était la bonne chose à faire. Le don d’organes avait déjà touché ma famille : mon oncle a été donneur d’organes à son décès. Donc, l’importance de ce geste était déjà bien comprise.
Quand les tests ont commencé, tout s’est mis en place. Ma préoccupation initiale concernant la distance s’est avérée infondée. Même si plusieurs séries de tests étaient nécessaires, j’ai pu en coordonner certains entre le London Health Sciences Centre et mon hôpital local à Antigonish, en Nouvelle-Écosse. Pour les tests qui devaient se faire à London, j’y étais déjà ou je prévoyais y aller. Le timing était presque étrange – on aurait dit que c’était destiné. J’étais même à London lorsque j’ai reçu l’appel confirmant que j’allais être son donneur, et j’ai pu lui annoncer en personne qu’elle recevrait un rein – mon rein.
Le matin de la greffe, Joanna et moi avons parcouru les couloirs de l’hôpital aux petites heures en écoutant « The Final Countdown » du groupe Europe. La greffe a été un succès!
Je devais rester à l’hôpital pendant au moins deux jours, mais ils avaient vraiment besoin de mon lit. Comme j’allais bien, ils m’ont demandé de quitter plus tôt. Ils étaient tellement pressés qu’ils m’ont déplacé – ainsi que toutes mes affaires – dans une petite pièce au bout d’un couloir pour attendre mon transport. Même si je me suis senti très soutenu avant le don, le soutien après l’opération – surtout sur le plan émotionnel – faisait défaut. C’était comme si j’avais donné une partie immense de moi-même, puis… tout était fini.
Un autre défi auquel je ne m’attendais pas, c’était de raconter mon expérience de donneur aux autres. Être donneur me remplit de fierté. Je suis reconnaissant d’avoir pu aider Joanna de manière aussi significative. Mais j’ai été surpris par le nombre de personnes qui ont remis mes motivations en question : « L’as-tu fait pour toi? Pour te sentir comme une bonne personne? » Ces questions étaient blessantes et minimisaient le parcours incroyable que Joanna et moi avons partagé. Je ne l’ai pas fait pour être félicité – je l’ai fait parce que ça me semblait juste pour quelqu’un qui compte énormément pour moi. Le père de Joanna m’a même fait membre honoraire de leur famille. Nos vies sont à jamais liées, et j’en suis profondément reconnaissant.
Ça fait maintenant plusieurs années depuis la greffe, et je n’ai aucun regret. Depuis, je suis devenu militant et membre actif de l’Association canadienne des transplantés, travaillant à sensibiliser le public et à créer une communauté pour les personnes touchées par le don d’organes.
J’espère que notre histoire pourra inspirer d’autres personnes à envisager le don ou à prendre des décisions en lien avec la MPR et la transplantation.
En savoir plus
- Regardez l’enregistrement vidéo de la présentation de Kris et Joanna lors de notre webinaire sur le don d’organes et la défense des droits des greffés.
- Consultez plusieurs liens et ressources que Kris a partagés avec les participant(e)s du webinaire.