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January 26, 2024

Les voix de la MPR : Kelly Konieczny, AB

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Bonjour, je m’appelle Kelly Konieczny. En septembre 2022, j’ai partagé pour la première fois avec vous mon combat contre la MPR. À cette époque, mes reins ne fonctionnaient plus (l’un d’entre eux avait même été retiré) et en attendant un don de rein, j’étais condamnée à la dialyse quatre ou cinq fois par semaine.

J’attends toujours.

Voilà maintenant plus de trois ans que je vis au rythme des séances de dialyse, et plus de quatre ans que j’espère une greffe de rein.

Je figure sur la liste d’attente nationale pour une greffe de rein prélevé sur un·e donneur·euse décédé·e. En moyenne, cette liste promet une attente de quatre ans pour les patient·e·s dont l’état de santé ne pose pas problème de compatibilité. Malheureusement, je fais partie des personnes dites hyperimmunisées. Mon organisme est truffé d’anticorps prêts à s’attaquer à tout organe étranger.

L’idée même d’hyperimmunité m’était totalement étrangère. Quand on m’a annoncé que ma sensibilité aux anticorps atteignait les 100 %, donc que sur cent personnes, pas une seule ne serait compatible, j’en suis restée bouche bée.

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Comment devient-on hyperimmunisé·e?

Notre corps développe des anticorps contre les tissus étrangers, que ce soit à la suite de greffes d’organes, de transfusions sanguines ou de grossesses. J’ai eu trois grossesses. Et il se trouve que mes anticorps ont atteint le seuil de sensibilité de 100 %. Trouver un rein compatible n’est pas impossible, mais ma situation rend les choses vraiment plus difficiles. Si l’on trouve un·e donneur·euse suffisamment compatible, l’équipe de transplantation pourrait faire en sorte que la greffe fonctionne.

Je m’efforce de ne pas me laisser abattre par les statistiques, mais il est crucial de partager ces informations. Comment, sinon, les personnes dans la même situation que moi, celles qui sont hyperimmunisées, pourraient-elles faire connaître leur cause?

Afin d’augmenter mes chances de trouver un rein, je participe depuis trois ans au Programme de don croisé de rein. Ce programme associe des personnes candidates à la greffe à des donneur·euse·s vivant·e·s. Si une personne de votre entourage est prête à faire don de son rein, mais qu’elle n’est pas compatible avec vous, chacun de vous peut s’inscrire dans le programme, où l’on tente de créer des chaînes de donneur·se·s et de receveur·se·s compatibles.

Tous les quatre mois, le Programme de don croisé de rein, géré par la Société canadienne du sang, organise un cycle de compatibilité. Il faut passer une série de tests pour être admis·e dans un cycle et faire partie du bassin de personnes à la recherche d’un·e donneur·euse compatible pendant cette période.

Un revers

Récemment, je me suis heurtée à un obstacle majeur dans ma quête d’un nouveau rein. Le 11 janvier 2024, un·e membre de mon équipe de transplantation m’a informée que les autorités sanitaires de ma province avaient retiré le nord de l’Alberta du cycle de compatibilité hivernal du Programme de don croisé de rein (de février à juin 2024), en raison d’une pénurie d’anesthésistes dans cette partie de la province.Transplant_4.png

On ne peut jamais savoir quand le·ou la donneur·euse compatible se présentera. Si je ne participe pas au Programme de don croisé pendant quatre mois, mes chances de recevoir une greffe de rein par l’intermédiaire du programme pendant cette période deviennent nulles.

Il me faut un miracle.

Je me démène pour convaincre des donneur·euse·s potentiel·le·s de participer, mais, en échange, j’aimerais bien que l’on me laisse toutes les chances possibles d’être sélectionnée pour une greffe. Le fait d’être exclue du Programme de don croisé pour les quatre prochains mois est difficile à accepter. Deux personnes participent au programme avec moi, et une troisième est sur liste d’attente au cas où l’une des autres ne pourrait pas aller jusqu’au bout.

Je ne sais pas s’il y a quelque chose d’autre que je peux faire pour rejoindre le prochain cycle de compatibilité, mais je me demande pourquoi ils ne peuvent pas inclure les personnes hyperimmunisées comme moi. Une greffe de rein changerait complètement ma vie, et cette exclusion, je la perçois comme un pas en arrière.

La vie sous dialyse

La dialyse n’a pas été facile pour moi. Jusqu’à il y a six ou sept mois, je me sentais vraiment mal après mes séances de dialyse. Et l’intégralité du processus en lui-même est extrêmement éprouvante.
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Je réalise la dialyse à domicile, et quatre jours sur sept, je suis branchée à ma machine. La préparation prend entre 45 minutes et une heure, ensuite je suis sous dialyse pendant 3 heures et demie, puis il faut encore 20 minutes pour nettoyer et préparer la machine en vue de la prochaine séance. Ça représente une véritable contrainte de temps dans une journée!

Si un évènement vient perturber la routine, c’est là que l’anxiété peut venir pointer le bout du nez. Ça peut être un problème avec la machine, ou avec le système de filtration d’eau. Des fois, je reçois des alarmes de la machine de dialyse, et je dois résoudre le problème. Oui, il y a un numéro que l’on peut appeler, mais reste qu’on est seul·e.

C’est agréable de pouvoir effectuer la dialyse à la maison, plutôt que de devoir se rendre dans une clinique en fonction des disponibilités. Il me faudrait conduire une heure pour atteindre la clinique la plus proche de chez moi. Je dois quand même m’y rendre régulièrement pour que l’on ajuste les paramètres de mes dialyses selon la concentration de certaines molécules dans mon sang.

Je ne travaille plus. Je ne sais jamais à quoi ressembleront mes journées ni comment je me sentirai avant et après ma séance de dialyse. Être sous dialyse limite la capacité à planifier son quotidien. C’est lourd. Je commence à trouver que ça affecte vraiment ma santé mentale. Chaque matin, au réveil, la première chose à laquelle je pense, c’est si je dois faire une dialyse aujourd’hui ou non. Voilà maintenant 3 ans et demi que je suis sous dialyse.

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Quand j’ai commencé la dialyse, j’étais très optimiste. Je pensais que trouver un rein compatible et obtenir une greffe ne prendrait pas beaucoup de temps, car je connaissais beaucoup de personnes prêtes à se porter volontaires pour me donner un rein. Aucune n’a été compatible jusqu’à présent. 

Les mercredis, je prends une pause : j’ai besoin de cette journée où je n’ai pas l’angoisse oppressante d’avoir à me soumettre à une dialyse.

J’essaie de rester optimiste, mais c’est de plus en plus difficile. Je vais fêter mes 50 ans cette année. Mes filles ont quitté le foyer familial, elles commencent leur propre vie. Je devrais me réjouir de ce calme nouveau dans la maison, mais c’est si difficile.

Je me dis souvent que je ne devrais pas parler du fait que je trouve ma situation difficile, que je ne devrais pas me plaindre, mais je crois aussi qu’il est normal de se sentir découragé·e. Je dois accepter le fait que je me sente ainsi.

J’ai bonne mine, et la majorité des gens ne comprennent donc pas l’ampleur de mes préoccupations et de mes luttes quotidiennes, le travail que je dois accomplir pour essayer de rester en bonne santé et de conserver une vision optimiste de l’avenir, et pour préserver ma santé d’esprit.

Je médite, et je fais partie d’un groupe spirituel bien soudé, et je crois que ça m’a aidé. Parler avec des gens qui sont dans le même bateau que moi, ou qui travaillent sur leur développement personnel a été bénéfique. C’est plus difficile quand vous n’avez personne à qui parler.

Je travaille beaucoup sur le plan physique et mental par moi-même. Mais il faut aussi savoir se montrer vulnérable aux autres, et admettre ce qui nous tracasse vraiment. Je pense que partager ses blessures et ses vulnérabilités est bénéfique, à la fois pour soi-même et pour les autres.

Bonnes nouvelles

Mise à jour au 23 janvier 2024 : Après m’être battue pour faire valoir mon cas, et suite à la considération des décisionnaires de ma région, les patient·e·s hyperimmunisé·e·s et leurs donneur·euse·s seront réintégré·e·s dans le cycle de compatibilité de février.

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Bien sûr, cela ne signifie pas que je vais automatiquement être jumelée à un·e donneur·euse compatible. À cause de mes anticorps particuliers, c’est toujours comme chercher une aiguille dans une botte de foin, mais au moins, on me donne la chance de faire partie du programme.

La Société canadienne du sang préfère que les greffes soient réalisées dans les trois mois suivant l’établissement d’une compatibilité, mais le retard actuel des interventions chirurgicales dans le nord de l’Alberta ne permet de donner aucune garantie.

Pour ma part, cela ne me dérange pas trop, car l’alternative, c’était d’être exclue du programme. Attendre un peu plus longtemps pour l’intervention si l’on trouve un·e donneur·euse compatible avec moi, c’est la moindre des choses.

C’est dommage que tou·te·s les receveur·euse·s du nord de l’Alberta n’aient pas été réintégré·e·s dans le Programme de don croisé, mais le fait que les personnes hyperimmunisées l’aient été, c’est un bon début.

C’est une cause pour laquelle je vais continuer à me battre.

Défense de ses intérêts

Voici quelques suggestions pour les autres personnes qui se trouvent dans une situation où elles doivent militer pour faire avancer les choses :

  • Entourez-vous d’un groupe de personnes bienveillantes.
  • N’ayez pas peur de poser des questions et de faire vos propres recherches.
  • Utilisez votre voix pour mettre votre histoire de l’avant.

D’autres actions qui peuvent s’avérer utiles :

  • Si possible, contactez un·e professionnel·le de la santé mentale par l’intermédiaire de votre famille ou de votre équipe de soins en néphrologie pour qu’il ou elle vous aide à gérer vos émotions, et pensez à d’autres professionnel·le·s que vous pourriez contacter afin d’obtenir de l’aide.
  • Contactez d’autres personnes de votre communauté qui vivent la même situation que vous dans le but de vous rassembler, de renforcer vos efforts communs et d’amplifier votre message.
  • Adressez-vous à la direction de votre établissement de santé local ou régional pour demander plus d’informations sur tout changement préoccupant.
  • Contactez les représentant·e·s du gouvernement municipal ou provincial approprié (par exemple, les membres du Parlement provincial, le·la ministre de la Santé, etc.) afin de défendre vos droits et ceux de votre communauté.
  • Contactez les médias de votre localité ou de votre province, surtout s’il y a eu une décision ou un changement récent ayant des répercussions sur de nombreuses personnes de la région.
  • Contactez la Fondation canadienne de la MPR pour participer aux initiatives de sensibilisation et diffuser des informations au sein de la communauté de la MPR.

Pour en apprendre davantage à propos du Programme de don croisé du rein, c’est par ici.

La Fondation canadienne de la MPR organisera un webinaire pour les patient·e·s en février 2024 sur le thème du Programme de don croisé de rein. Consultez notre site web et nos réseaux sociaux pour plus de renseignements, ou inscrivez-vous à notre infolettre pour rester informé·e des actualités et programmes éducatifs sur la MPR.

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